Hommage à Patrick Davin
C’est avec une immense tristesse que nous avons appris ce mercredi après-midi le décès, à l’âge de 58 ans, du chef d’orchestre Patrick Davin. Invité régulier de l’OPRL depuis 1991, Patrick a dirigé près d’une trentaine de programmes avec l’Orchestre et réalisé plusieurs enregistrements très remarqués.
La variété des répertoires qu’il abordait (classico-romantique, franco-belge, opératique, contemporain) était le reflet de son extraordinaire curiosité et d’une ouverture d’esprit sans bornes, et s’est traduite au fil de ses collaborations avec l’OPRL durant ces trois décennies.
Sa passion pour les projets multidisciplinaires combinant théâtre, vidéos, images, a permis quelques belles aventures artistiques, tout comme son attachement viscéral à la transmission et à la pédagogie, qui lui ont permis de diriger des concerts commentés (les « Dessous des quartes », et notamment une mémorable séance sur les Tableaux d’une exposition de Moussorgski) ou encore l’Orchestre à la portée des enfants (avec notamment Pinocchio, mis en scène par Lionel Rougerie).
Parmi ses concerts marquants à la tête de l’OPRL, La Damnation de Faust de Berlioz avec José Van Dam (2002), le Songe d’une Nuit d’été de Mendelssohn avec le Collegium Vocale (2007), la 7e Symphonie de Mahler et Carmina Burana d’Orff (2011), Aladin de Nielsen (2013), un Roméo et Juliette rassemblant plusieurs compositeurs, pour l’ouverture des Festivals de Wallonie (2013), la Sérénade de Bernstein avec Tedi Papavrami (2014), et plus récemment, la création du Concerto pour clarinette d’Éric Tanguy.
Patrick Davin a également réalisé trois enregistrements très remarqués avec l’OPRL : An die Nacht de Benoît Mernier (Cypres, 2006), une intégrale des Concertos pour violon de Vieuxtemps avec sept solistes de la Chapelle Musicale Reine Elisabeth (Fuga Libera, 2010) et l’intégrale symphonique de Gabriel Dupont (Fuga Libera, 2019) qui a reçu de multiples distinctions.
Unis par de profonds liens d’amitié, les musiciens et tout le personnel de l’OPRL sont consternés par cette disparition brutale. Nous nous réjouissions de sa nomination récente au poste de directeur du Domaine Musique du Conservatoire Royal de Liège.
Nous adressons nos plus sincères condoléances à sa famille, à ses proches ainsi qu’à ses collègues musiciens.
"Et tout le reste est carrière, succès, échecs et vanité"
En guise d'hommage, nous avons souhaité partager un texte que Patrick a écrit en 2011 à l'occasion des 50 ans de l'OPRL. Il y évoque l'expérience de son premier concert avec l'OPRL (les 19 et 20 avril 1991). Un témoignage qui reflète merveilleusement sa personnalité riche et généreuse.
20 ans après!!!
La seule et principale difficulté pour un aspirant chef d'orchestre est de naître (appelons cela: débuter...).
Après une petite vingtaine d'années de cours, d'étude, de rêves, de stages, de concours, de minuscules prestations, d’examens, d'assistanat, de mois vides, de soirées de découragement, de moments d'exaltation, de certitude et de doute, j'ai vécu cette semaine (car pour les musiciens un concert c'est aussi et parfois surtout la semaine de répétitions qui précède) sans vraiment en remarquer la visibilité exceptionnelle et franchement disproportionnée (le public, la presse, la télévision...) L'orchestre qui jusque là (lors des concours du conservatoire) m'était tout acquis, a montré son vrai visage, celui de professionnels qu'il faut conquérir, convaincre et emmener avec soi, sous peine de succomber sous son corps glorieux .
Débuter (appelons cela naître...) c'est se dire qu'il reste alors toute une possible vie pour prolonger ces moments, pour conquérir, convaincre et surtout se montrer digne d'être là, en porte-parole pourtant dérisoire des compositeurs (vivants ou morts) et se préparer, jours et nuits après jours et nuits à étudier, rêver, se décourager, s'exalter, douter, conquérir, convaincre partager, donner, brûler et emmener avec soi cette petite flamme, cette bonne étoile, qui nous guide et nous dépasse.
Et tout le reste est carrière, succès, échecs et vanité....qu'il faut traîner aussi comme un fardeau maudit, mais sans grande importance...
Patrick Davin