Jenő Lisztes : L'interview

Cymbalum

Né dans une famille de musiciens tziganes hongrois, Jenő Lisztes participe aux concerts de Nouvel An de l’OPRL, le jeudi 11 (Liège), vendredi 12 (Charleroi) et dimanche 14 janvier (Les Dimanches en famille). Popularisé par les musiques de Vladimir Cosma, son instrument – le cymbalum – est sans égal pour évoquer en un clin d’œil les cultures de l’Europe de l’Est.

 

Pourquoi avoir choisi le cymbalum ?

Je suis né dans une famille de musiciens pratiquant cet instrument. Mon père et mon grand-père étaient déjà cymbalistes et, à quatre ans, je n’ai pu m’empêcher d’essayer de jouer. Le lendemain, mon père m’enseignait déjà les gammes… (rire). Par la suite, j’ai étudié le répertoire « classique » à l'Académie Franz Liszt de Budapest, tout en travaillant le répertoire tzigane, qui tient surtout de l’improvisation et ne s’enseigne pas à l’école mais se transmet en privé. À l’adolescence, j’ai joué avec de nombreux musiciens de jazz et j’ai beaucoup aimé leur univers, et bien sûr leur liberté d’improvisation. Si bien que j’ai fini par fonder mon propre trio de jazz, le Jenő Lisztes Cimbalom Project. J’ai été particulièrement marqué par ma rencontre avec Jenő Sörös, une légende de la musique tzigane.

Pourriez-vous nous décrire le cymbalum ?

Le cymbalum est un instrument à cordes frappées de la famille des cithares. Il a fait son apparition en Europe au XIVe siècle, sans doute en provenance de Perse (Iran). Le nom « cymbalum » n’apparaît qu’au XVe siècle, mais il existe des instruments semblables dans de nombreux pays : le hackbrett en Suisse et en Autriche, le cymbaly en Pologne, le cimbolai en Lituanie, le dulcimer en Suède, le santour en Iran… On en trouve aussi en Grèce, aux États-Unis et au Japon. Il consiste en une série de cordes tendues à l’horizontale sur une caisse de résonance et frappées par des marteaux (ou mailloches) que l’on tient en main. En grec, « tympanon » signifie d’ailleurs « frapper du haut vers le bas ».

Par la suite, l’instrument s’est développé…

Pendant trois siècles, les tympanons ont été de petits instruments d’une octave que l’on posait sur le sol ou sur une table. En 1874, le Hongrois Venczel József Schunda (1845-1923) fut le premier à mettre au point un cymbalum de concert, muni de quatre pieds et d’une pédale pour contrôler la résonance des cordes. La tessiture de cet instrument s’est étendue à quatre octaves et son poids s’est accru. Rapidement, des compositeurs comme Franz Liszt et Ferenc Erkel (l’auteur de l’hymne national hongrois) s’y sont intéressés. Et surtout, ce nouvel instrument de concert a permis de jouer la musique classique, tant en solo qu’en accompagnement. Dans les années 1920, le Hongrois Lajos Bohák, fondateur d’une grande firme toujours active, a encore perfectionné l’instrument et étendu sa tessiture à presque cinq octaves, rendant ainsi l’instrument encore plus lourd (100 kg).

Quel est votre répertoire ?

Il y a d’une part tout le répertoire tzigane (de tradition orale), et d’autre part la musique classique ou « sérieuse ». Dans les années 1920, un virtuose comme Aladár Rácz (1886-1958) fait beaucoup pour populariser l’instrument. Après avoir eu beaucoup de succès dans les restaurants de Budapest, il part avec son ensemble tzigane hongrois à Paris, puis en tournée en France, en Espagne et en Égypte. Il joue aussi de la musique baroque et de la musique contemporaine. Saint-Saëns le surnomme le « Franz Liszt du cymbalum » et Stravinsky se prend de passion pour cet instrument dont il achète un exemplaire et pour lequel il composera. Rácz deviendra l’ami de Zoltan Kodály et de Béla Bartók, qui écriront aussi pour le cymbalum, tout comme, plus récemment, György Ligeti et György Kurtag.

Comment avez-vous rencontré Gergely Madaras et comment interviendrez-vous dans les concerts de Nouvel An ?

Après m’avoir entendu avec l’Orchestre du Festival de Budapest dirigé par Iván Fischer, Gergely a tenu à m’engager avec un violoniste pour des concerts du même type, d’abord en Angleterre puis avec l’Orchestre de Savaria (Hongrie), dont il était Directeur musical. J’ai tout de suite été frappé par son approche extrêmement riche et inventive en tant que chef. Le courant est tout de suite passé entre nous. Pour les concerts de Nouvel An de l’OPRL, le violoniste Lajos Sárközi Jr et moi-même jouerons dans les Rhapsodies hongroises de Liszt et les Danses hongroises de Brahms pour apporter ce supplément d’âme typiquement tzigane. Les parties que nous jouons ne sont pas écrites dans la partition d’orchestre mais nous connaissons toutes ces œuvres par cœur et nous jouons les thèmes ou improvisons naturellement sur la musique, avec ce côté grisant typique de la culture tzigane.

Propos recueillis par Éric Mairlot

 

 

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