[FOCUS] Háry János de Kodály : un condensé de l’âme hongroise
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Le samedi 8 mars, Gergely Madaras redonne vie à un héros national hongrois, Háry János, aux aventures rocambolesques ainsi qu'à deux concertos de Bartók et Vasks.
Créée à Barcelone, en 1927, la suite orchestrale que le compositeur hongrois Zoltán Kodály tire de son opéra Háry János (1926), s’impose comme l'une des partitions les plus envoûtantes du compositeur hongrois. Et la plus connue ! Inspirée d'un poème épique de János Arany, l’œuvre incarne l’alliance parfaite entre le folklore hongrois et la modernité. Ethnomusicologue tout comme son contemporain Béla Bartók, Kodály a consacré sa vie à la collecte et à la préservation du patrimoine musical de son pays. Dans cette œuvre, il réussit à capturer la richesse et l'inventivité de l'âme hongroise, tout en la sublimant à travers une symphonie vibrante, au langage moderne et à l’orchestration raffinée, où le cymbalum – un instrument à cordes frappées emblématique de la Hongrie – s’impose aux côtés d’une armada de percussions.
Sous la direction de Gergely Madaras, lui aussi Hongrois, la musique de Háry János prend une dimension encore plus profonde, mettant en lumière un personnage légendaire aussi fantasque qu’irréel. Háry János, héros de la classe populaire souvent perçu comme un Don Quichotte hongrois, enchaîne des exploits aussi absurdes que fabuleux : combattre les armées de Napoléon, dompter un cheval infernal, voire maîtriser un dragon à sept têtes.
Derrière cette farce bon enfant se cache une figure symbolique, celle de la Hongrie, pays qui aspire à devenir une grande nation mais dont les ambitions restent à l’état de rêve.
Derrière cette farce bon enfant se cache une figure symbolique, celle de la Hongrie, pays qui aspire à devenir une grande nation mais dont les ambitions restent à l’état de rêve. Entre comique et tragique, entre rêve et réalité, entre tradition et modernité, la musique de Kodály reflète les contradictions de son pays dans les années 1920. Alors dirigée par l’amiral Miklós Horthy, un simple régent, la Hongrie est confrontée à une instabilité politique et économique, en raison du Traité de Trianon (1920) qui l’a amputée d’une partie de ses territoires. Elle est incapable de se relever de la chute de l'Empire austro-hongrois. Les Hongrois gardent cependant espoir, et parmi eux, le compositeur de Háry János, qui sait faire contre mauvaise fortune bon cœur.
À cette musique pittoresque, Gergely Madaras adjoint deux concertos mettant en lumière deux virtuoses exceptionnels : le Britannique Timothy Ridout, étoile montante de l’alto, qui rend vie à l'ultime Concerto de Bartók (inachevé), œuvre sombre et introspective, et Jeroen Baerts, premier soliste de l'OPRL, dont le talent éclatant s'exprime dans le Concerto pour cor anglais de Pēteris Vasks (1989), une pièce où se mêlent élégie et rythmes folkloriques.