"Goethes Fragmente" : L'interview d'Alain Pire
Le trombone solo de l'OPRL est au cœur des "Goethes Fragmente", la nouvelle création du compositeur belge Michel Fourgon. Il en donne les clés de lecture avant la création, le 31 janvier en ouverture du Festival Storytelling.
Quels sont les principaux concertos pour trombone ?
Ils ne sont pas très nombreux. Pour la musique ancienne, on peut citer Wagenseil, Albrechtsberger, Léopold Mozart... Au XIXe siècle, Ferdinand David, Rimski-Korsakov... Au XXe siècle, Grøndahl, Milhaud, Tomasi, Rota, Dusapin, Berio... Pour ma part, en plus de quelques pièces maîtresses du répertoire soliste ou de musique de chambre (Berio, Dusapin, Hosokawa, Francesconi, Aperghis, Scelsi...), j’ai régulièrement participé à la création de pièces de jeunes compositeurs comme Alithéa Ripoll, Delphine Derochette, Éric Bettens…
À quand remonte votre première collaboration avec Michel Fourgon ?
Nous nous connaissons depuis plus de 25 ans ; il y a une vieille complicité entre nous. Michel m’a dédié plusieurs de ses pièces, comme le duo Plaisir (1996, avec Izumi Okubo au violon) et le trio De Proche en Proche (1999, avec Izumi et Marcel Comminoto au piano). J’ai pu également jouer beaucoup de ses œuvres de musique de chambre et bien sûr, les œuvres pour orchestre qu’il a écrites pour l’OPRL. Son style d’écriture m’est assez familier, ce qui me permet de gérer plus facilement l’interprétation de son langage.
Quels sont précisément pour vous les traits caractéristiques son écriture ?
Michel Fourgon aime partir de matériaux musicaux préexistants. C’est également le cas dans son Concerto pour trombone, chœur d’hommes et orchestre, qui cite une polyphonie italienne ancienne et une mélodie arabisante. Il y a dans son œuvre des éléments d’harmonie, de pulsation, de structure, qui sont récurrents et reconnaissables, même pour tout un chacun. On identifie notamment sa griffe par cette manière typique et personnelle d’articuler ses mélodies. C’est aussi quelqu’un qui évite l’effet pour l’effet. On ne trouve pas chez lui de modes de jeu « gadget », des bruitages ou des trouvailles gratuites.
Comment se passe l’interaction avec le chœur ?
C’est plutôt l’alternance et le dialogue qui priment. L’idée développée est celle d’une pièce symphonique avec chœur, qui alternerait avec des épisodes concertants pour trombone et orchestre. Le Concerto comporte quelques passages réellement difficiles pour le soliste, des phrases qui ne sont techniquement pas naturelles pour le trombone, mais c’est à moi de les assumer… En dehors de cela, les modes de jeu sont assez classiques, faisant occasionnellement appel à la sourdine « plunger » (pour le soliste), à la sourdine « wah-wah » (un peu « pleurante », pour le pupitre des trombones de l’orchestre) et au « vibrato Scelsi » (très tendu et intense). Sur le plan instrumental, je garde le même trombone (ténor) du début à la fin ; je n’ai donc pas à passer par le trombone alto comme c’était notamment le cas dans Watt de Dusapin. D’une manière générale, l’écriture pour le trombone solo est fort orientée vers la mélodie et le legato ; le côté incisif et pointilliste est également présent mais dans une moindre mesure.
Propos recueillis par Éric Mairlot
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