[INTERVIEW] Gergely Madaras : « La comédie musicale représente un cocktail parfait pour une série pluridisciplinaire comme OPRL+. »

Gergely va nous manquer !

Les 28 et 31 mai, Gergely Madaras clôt son mandat en beauté en explorant l'univers des comédies musicales anglo-saxonnes. Il donne les raisons d'un tel choix". 

Pourquoi terminer vos six années de direction musicale par un concert de musicals ?

Très honnêtement, après avoir ouvert ma première saison avec Le Sacre du printemps, j’avais l’intention de clôturer ma toute dernière saison avec la Deuxième Symphonie de Mahler. Cependant, en raison des contraintes d’agenda liées à la Salle Philharmonique, aux solistes, au chœur et à l’organisation de nos séries, cela s’est avéré impossible. En contrepartie, je me suis dit qu’il était nécessaire d’imaginer un concert vraiment spécial et inédit, d’où l’idée des comédies musicales (musicals). La série OPRL+ que j’ai créée à mon arrivée à Liège, dans laquelle s’inscrit ce concert, se prête parfaitement à cette aventure alternative où se mêlent théâtre, musique et danse. Après avoir exploré le répertoire franco-belge, avec César Franck en point central, et le répertoire hongrois (Liszt, Kodály, Dohnányi), il me semblait essentiel de mettre en avant ma troisième identité : celle de la culture anglo-saxonne, et plus particulièrement celle de Londres, où je vis depuis quelques années et où mes deux filles grandissent. Les musicals du West End sont l’incarnation parfaite de cette identité. Cela faisait longtemps d’ailleurs que j’avais envie de m’y plonger. Ce n’est pas ma spécialité, mais j’ai eu l’occasion d’en découvrir beaucoup au West End, notamment lorsque je travaillais avec l’English National Opera.

Ce genre doit beaucoup aussi à Leonard Bernstein et à l’Angleterre de manière générale, berceau de la musique pop, ainsi qu’à la chanson française du début du XXe siècle. 

Quelles sont les qualités du genre ?

Ce qui me frappe dans la comédie musicale, c’est son alliage unique entre musique populaire et sophistication de la musique savante. Elle propose une grande variété d’émotions et de couleurs, souvent inspirées par des compositeurs classiques tels que Mozart, Johann Strauss ou encore Offenbach. Elle combine ainsi un langage cultivé avec une grande fantaisie, tout en développant un art raffiné et spécifique de l’orchestration. Ce genre doit beaucoup aussi à Leonard Bernstein et à l’Angleterre de manière générale, berceau de la musique pop, ainsi qu’à la chanson française du début du XXe siècle. Il y a un lien fort avec la culture française, tant dans l’expression chantée, influencée par les rengaines populaires, que dans le mélange des genres. En somme, la comédie musicale représente un cocktail parfait pour une série pluridisciplinaire, comme OPRL+.

À quoi le public doit-il s’attendre ?

Les extraits que nous interpréterons font partie de mes comédies musicales favorites et des incontournables du genre : Le Roi Lion, La Reine des Neiges, La Mélodie du Bonheur, Mary Poppins, Le Fantôme de l’Opéra, et bien d’autres. Ce sont des musiques qui nous touchent instantanément, leurs mélodies sont accrocheuses et mémorisables à la première écoute. Elles seront chantées dans leurs versions originales, en anglais. Pour ce concert, je prévois la participation de quelques chanteurs, il y aura aussi quelques pas de danse. Cela permettra là encore d’être en phase avec l’esprit de la série OPRL+.

En quoi les musicals constituent-ils un univers professionnel très spécifique ?

Les musicals font partie d'un système de production très différent du nôtre. Dans ce domaine, les théâtres ne bénéficient pas de subventions publiques, ce qui les oblige à maximiser les recettes de chaque spectacle. Une œuvre continue à être jouée tant que les billets se vendent. Par exemple, dans le West End, The Mousetrap, une pièce inspirée d'Agatha Christie, est à l'affiche sans interruption depuis 1952 (elle détient le record de longévité en la matière). Lorsqu'un musical rencontre le succès, il est joué au moins huit fois par semaine, de sorte qu’un même artiste peut être amené à donner deux représentations en une seule journée. Le rythme y est donc bien plus intense et soutenu que chez nous, en raison des contraintes financières. Dans les pays anglo-saxons, le show est aussi du show business, ce qui nous est moins familier puisque nous bénéficions de conditions de travail mieux protégées et de subventions. Ces impératifs financiers se traduisent notamment par des orchestres de plus petite taille, permettant de réduire les coûts liés au personnel. Pendant la Seconde Guerre mondiale, à Broadway, certains musiciens jouaient jusqu'à trois ou quatre instruments différents pour réaliser des économies. En revanche, le cinéma, avec ses moyens plus importants, offre des orchestrations plus riches et variées. L’OPRL interprètera évidemment ces versions plus élaborées, spécialement composées pour le cinéma.

C’est aussi grâce à ma fille aînée, qui est totalement fascinée par ces musiques, que j’ai pu apprécier la richesse de ce genre et ses multiples connexions avec le répertoire classique.

Que représentent les musicals dans votre parcours artistique et familial ?

Les musicals ne faisaient pas partie de mon univers d’enfant. Ils sont relativement récents dans ma vie, à l’exception peut-être de La Mélodie du Bonheur. En effet, la comédie musicale n’a jamais été un genre ancré dans la culture hongroise, surtout pendant les années de socialisme. Mon expérience du théâtre musical se limite plutôt à l’opérette hongroise, en particulier les œuvres de Franz Lehár, que je connais bien. Ce n’est qu’en arrivant à Londres que j’ai découvert les musicals, omniprésents dans la ville : on les entend partout. ! C’est aussi grâce à ma fille aînée, qui est totalement fascinée par ces musiques, que j’ai pu apprécier la richesse de ce genre et ses multiples connexions avec le répertoire classique. Ce concert sera une première pour moi, mais je me sens prêt à relever le défi grâce à l’exceptionnelle complicité et à la confiance mutuelle que j’ai développées avec les musiciens de l’Orchestre. C’est également cette relation qui m’a permis de diriger, il y a quelques années, le répertoire gospel, qui était également un univers très différent. Dans les deux cas, il s’agit de musiques qui ont la capacité de rassembler un public large et éclectique, attiré par l’art de l’entertainment.

Propos recueillis par Stéphane DADO


En concert dans la série OPRL+ Chez Gergely, les 28 et 31 mai, à 20h à la Salle Philharmonique.

Infos et réservations 28/05

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