Jean-Pierre Haeck, le nouveau visage des Music Factory
La série "découverte" de l'OPRL redémarre en trombe le mercredi 26 septembre à 18h30. Aux commandes, un chef d'orchestre belge passionné qui dit tout sur sa conception et ses choix.
Jean-Pierre Haeck, vous serez à la tête des Music Factory cette saison 18-19. Selon quelle logique allez-vous construire chaque séance ?
Lorsque l’on se lance dans pareille série, il ne faut pas l’aborder d’un point de vue didactique seulement, il convient d’abord de penser au plaisir de l’auditeur. Il me semble important d’avoir un mélange équilibré entre des répertoires connus, ceux qui feront en sorte que le public aura envie de venir au concert, et quelques découvertes. On obtient ainsi un programme bien balancé où le spectateur passe du connu à l’inconnu sans s’en rendre compte, car il est porté par la dynamique de la musique.
Conçoit-on un concert « découverte » comme un concert traditionnel ?
Un concert « découverte » est d’abord pour moi un concert à part entière. Quel que soit le type de concerts, il y a toujours une construction. Elle est liée à l’énergie que procure la succession de mouvements vifs, lents, vifs. Cette structure est celle qui régit la musique classique depuis ses origines.
Le premier Music Factory « Attachez vos ceintures ! » est consacré aux différents moyens de transports. Quel est votre véhicule préféré ?
La voiture ! Parce que c’est le moyen le plus rapide pour me déplacer d’un point A à un point B, sans devoir attendre, sans horaires, sans contraintes. La voiture est synonyme de liberté.
Quelles seront les grandes œuvres au cœur de cette première séance ?
Sans vouloir dévoiler le programme qui est une surprise, il y aura quelques pièces très connues de Respighi, Rimski-Korsakov, Villa-Lobos et même de Johann Strauss. Pour démarrer en trombe, j’ai choisi Take the A train de Duke Ellington. Cela tient à ma double identité de chef qui défend d’un côté le classique, de l’autre le jazz et la variété.
Est-il plus laborieux de répéter et de préparer un programme constitué de pièces de styles et d’époques différentes ?
Pas du tout. Moi j’adore faire ça ! Certes, l’unité d’une symphonie permet un travail de style plus en profondeur, mais travailler des pièces d’époques différentes, c’est un cocktail gratifiant pour un orchestre.
Dirigez-vous souvent des concerts « découvertes » ?
Oui j’en dirige régulièrement. En 18-19, par exemple, j’entamerai avec l’OPRL la quatrième saison du projet « Comptines ». Je fais également des concerts pédagogiques avec l’Orchestre dans les écoles. Ces concerts sont importants pour moi car ils donnent aux enfants la connaissance de ce qu’est le classique. Au même titre qu’on amène les enfants des villes à la ferme pour leur montrer de vrais animaux, pour leur faire comprendre que le lait n’est pas issu de Tetra Brik, de même, il me semble important de montrer que la musique ne provient pas d’un MP3 mais que ce sont des êtres humains qui lui donnent vie. Comprendre cela permet déjà une découverte et un enrichissement extraordinaires !
Est-il aisé de passer alternativement de la musique à la parole ?
C’est un exercice redoutable que j’ai souvent comparé à la performance du chanteur lyrique qui, dans une opérette ou une comédie musicale, doit passer de la technique du chant à la conversation. Cela met en présence deux énergies totalement différentes. Il faut pouvoir rester concentré sur la direction d’orchestre tout en passant instantanément à la fonction de narrateur. On est le fil rouge pendant toute la durée de la prestation, il n’y a donc aucun temps de repos ou de récupération. Il faut se donner 100% du début à la fin.
En 2018, les concerts « didactiques » ont-ils le même sens qu’au début des années 2000 lorsque vous débutiez dans le métier ?
Ce qui me frappe aujourd’hui, c’est le fait que tous les orchestres ont compris désormais la nécessité d’initier les jeunes à la musique. C’est devenu un enjeu majeur. Comme le disait un de mes amis, si on n’éduque pas les jeunes au répertoire classique, les musiciens d’orchestres deviendront des gardiens de musées. Si je suis heureux de voir des têtes blanches au concert, je suis encore plus satisfait d’y voir trois générations présentes simultanément. La démocratisation des prix permet ce phénomène et c’est une très bonne chose.
Est-ce plus facile de découvrir le classique avec les outils numériques actuels ?
Avec le web, le public a accès à la musique classique d’une manière totalement inédite et infinie. Je me demande pourtant si cet accès illimité à la musique ou à n’importe quel type de connaissances est suffisant pour faire progresser les humains ? Ce n’est pas parce que les gens ont des outils à leur disposition qu’ils ont la connaissance… Je reste convaincu que l’envie d’apprendre et la motivation personnelle sont les vecteurs d’émancipation les plus forts...
Propos recueillis par Stéphane DADO