Rencontre avec Alain Pire
En concert avec Open Slide et la harpiste Aurore Grailet, Alain Pire dit tout sur le Happy Hour "Une brebis parmi les loups" du 27 mars.
Sur quel principe repose Open Slide ?
C’est un ensemble de cuivres graves composé de quatre trombones et un tuba. Il a été créé en 2012, en bonne partie au départ du « Département des cuivres graves » du Conservatoire Royal de Liège. Dès le début, le but a été de jouer des transcriptions d’œuvres du grand répertoire et donc de se distancer du biotope habituel « 100% cuivres ». Ayant beaucoup pratiqué le répertoire spécifique pour trombone et la musique contemporaine en général (notamment avec l’Ensemble Ictus, dont je fais toujours partie), j’avais vraiment envie de faire apprécier les cuivres graves au travers de transcriptions faites par nos soins. Quitte à ce que certains « puristes » les trouvent « scandaleuses »… (rire). D’ailleurs, Open Slide fait référence à l’esprit d’ouverture qui nous anime et à la coulisse, qui est typique du trombone.
Comment vous est venue l’idée de ce concert ?
En discutant avec Philippe Ranallo (qui pilote la série « Happy Hour ! » avec d’autres musiciens de l’OPRL), nous avons eu l’idée de confronter Open Slide à un autre instrument, volontairement original et inattendu. J’avais d’abord pensé au violon ou au violoncelle, puis Philippe m’a dit : « Et pourquoi pas la harpe ? » « Tope là, mon vieux ! », me suis-je dit. Relevons le défi ! Nous en avons parlé à Aurore Grailet, qui s’est tout de suite montrée intéressée par l’aventure.
Quel est le menu du jour ?
Nous avons vraiment essayé de façonner un programme qui ne soit pas une simple alternance de pièces pour cuivres et de pièces pour harpe, mais de constituer un répertoire qui nous permette de jouer le plus possible ensemble. Les variations pour orgue de Sweelinck, sur le thème Mein junges Leben hat ein End (« Ma jeune vie a une fin »), nous permettent d’entrer en scène. Dès l’Aragonaise de Bizet, nous jouons avec la harpe, qui assume l’accompagnement en accords. Ensuite, vient l’unique pièce pour harpe seule du programme : l’étude Au matin de Marcel Tournier. Dans la Sicilienne de Fauré, je joue le thème qu’Aurore accompagne. Après La Nuit sur le mont chauve de Moussorgski, pour cuivres seuls, Aurore est mise à l’honneur dans le premier mouvement du Concerto pour harpe de Nino Rota dont nous reprenons les principales parties d’orchestre. Vient ensuite une dernière pièce pour cuivres seuls (Piazzolla), avant de clôturer tous ensemble avec deux grands tubes de la variété : Music de John Miles et Mr. Sandman de Pat Ballard.
Comment qualifieriez-vous l’école liégeoise du trombone ?
Elle se situe à mi-chemin entre l’école française, privilégiant la clarté, l’élégance, la finesse, le jeu solistique, et l’école allemande, caractérisée par un son massif, rude, puissant (servant idéalement la musique de Bruckner et Mahler) ; tout en s’ouvrant au son large et brillant, qui nous vient de l’école américaine, et enfin et au jeu collectif avec un son d’ensemble particulièrement chaleureux de l’école britannique. Les moyens de communication s’étant considérablement développés et démocratisés depuis les années 80, ces différentes écoles sont aujourd’hui nettement moins marquées. En réaction à ce phénomène d’« aplanissement du monde », l’utilisation d’instruments complémentaires dans les orchestres (pensons aux trompettes à palettes récemment acquises par l’OPRL) va dans le sens d’un élargissement des compétences des musiciens. Et surtout vers un retour à l’utilisation d’instruments tels qu’ils étaient conçus à l’époque des compositeurs joués. Ce qui est selon moi une très bonne chose !
PROPOS RECUEILLIS PAR ÉRIC MAIRLOT