CLASSIC ACADEMY : CHANEL PERDICHIZZI (harpe, IMEP, 16 ans)
Jeune harpiste de seize ans inscrite à l'IMEP de Namur en tant que Jeune Talent, Chanel a été la vedette de l'émission "Prodiges". Elle a remporté aussi plusieurs concours nationaux et internationaux.
Comment a commencé votre parcours musical ?
Mes parents sont violonistes : ma mère enseigne à l’école de musique Union Grand-Duc Adolphe au Luxembourg et mon père est membre de l’Orchestre Philharmonique du Luxembourg. Mais c’est pendant un séjour à Paris que j’ai eu un coup de foudre pour la harpe, en entendant un harpiste à Montmartre, dans la rue. J’ai demandé une harpe pour la Saint-Nicolas. J’avais 6 ans. C’est à ce moment-là que j’ai commencé la musique : la harpe en cours privés avec Catherine Beynon (harpe solo à l’Orchestre Philharmonique du Luxembourg), et ma mère pour le reste de mon éducation musicale.
Lorsque j’avais 8 ans, nous avons déménagé de Luxembourg à Bruxelles. J’ai suivi les cours de harpe de Cécile Marichal à Bruxelles, et depuis 2011, j’étudie avec Sophie Hallynck : d’abord en cours privés, puis au sein de l’IMEP, où je suis entrée à 14 ans, en juin 2015. J’ai aussi étudié le solfège à l’Académie d’Ixelles.
L’IMEP de Namur est une école supérieure de musique ; comment y accède-t-on lorsque l’on n’a que 14 ans ?
Il existe un programme « Jeune Talent » auquel on peut accéder par un examen d’entrée. Je continue à aller à l’école secondaire en parallèle, et à l’IMEP, j’ai un programme adapté : je fréquente essentiellement le cours de harpe (je suis en 3e année, le cursus dure 5 ans, avec ensuite la possibilité d’un perfectionnement). Cela me permet de prendre de l’avance et d’emmagasiner des « crédits » pour chaque année réussie à l’instrument.
Comment se passe votre travail avec Sophie Hallynck ?
C’est un professeur que j’adore, nous sommes vraiment très proches ! Elle m’accompagne partout lorsque je présente des concerts ou des concours, c’est un soutien vraiment très important.
Travaillez-vous aussi avec d’autres harpistes ?
Oui, je suis des masterclasses ou des stages durant l’été. J’ai déjà travaillé avec de nombreuses personnalités, parmi lesquelles je pourrais citer Elizabeth Fontan-Binoche, avec qui le courant est très bien passé, Marie-Pierre Langlamet, Luisa Prandina (à l’IMEP) et d’autres.
Les harpistes débutants commencent souvent par la harpe celtique, qui est de plus petite taille que la grande harpe à pédales. À quel âge êtes-vous passée de l’une à l’autre ?
Je n’ai pas fait plus d’un an avec la harpe celtique ; on peut trouver des harpes à pédales de différentes tailles. J’ai commencé avec une harpe à 40 cordes (au lieu de 47) et sans toucher aux pédales.
Quels sont vos répertoires de prédilection ?
En fait, je ne choisis pas vraiment les répertoires que j’interprète ; le choix des œuvres a toujours été lié aux concours que j’ai présentés, dont les programmes sont imposés. Mais on finit souvent par les aimer… Je ne peux pas dire que j’aie vraiment de préférence pour tel ou tel répertoire.
Par contre, le Concerto de Glière, dont je vais jouer le premier mouvement pour la Classic Academy, c’est moi qui l’ai choisi ! Je suis vraiment très contente de pouvoir l’interpréter avec orchestre, ce sera la première fois, c’est un rêve pour moi.
Avez-vous déjà joué avec orchestre ?
Oui, à l’émission Prodiges de France 2, mais ce n’était pas le Concerto de Glière. J’ai choisi de présenter le Glière dès que j’ai su que j’étais retenue pour la finale de la Classic Academy, en février. Cela fait donc trois mois que je le travaille : il faut une opportunité de jouer avec orchestre pour se lancer dans l’étude d’un concerto… Du coup, je le présente aussi pour mon examen de fin d’année à l’IMEP, ainsi qu’au Conservatoire de Luxembourg, où je vais terminer cette année mon Diplôme supérieur, dans la classe de Liane Hames.
Qu’avez-vous retenu de votre passage à l’émission télévisée Prodiges ?
C’est différent de ce qu’on peut s’imaginer lorsqu’on n’a jamais fait de concours télévisé, car les producteurs sont assez éloignés de la réalité des contraintes liées au monde classique et réfléchissent pour les besoins du show. Ce n’est pas vraiment pensé pour permettre la meilleure interprétation ; par exemple, j’étais placée très loin devant l’orchestre, sans aucun contact possible avec le chef et les musiciens. On ne reçoit les morceaux que deux mois avant l’enregistrement, et ce sont des transcriptions plus ou moins bien réalisées. L’enregistrement est tourné en une seule prise et cela engendre beaucoup de stress quand on sait qu’ensuite, tout est disponible sur YouTube…
Bien entendu, l’effet « Vu à la télé » suscite beaucoup de retours positifs ; j’ai reçu de nombreux mails et même l’appui d’un mécène… Mais tout ceci est davantage lié au milieu « non averti ». Je ne peux pas dire non plus que cela ait eu un impact particulier sur ma gestion du stress ou ma confiance en moi.
Il est vrai que vous êtes déjà très habituée à passer des concours…
Oui, je participe à un concours par an, au minimum. J’ai notamment participé à des concours en France, en Allemagne, en Italie, mais il en existe encore de nombreux autres, notamment en Israël ou aux États-Unis.
Quels sont les harpistes que vous admirez le plus ?
Avant tout : Xavier de Maistre. C’est le meilleur, celui qui m’impressionne le plus. Mais je peux aussi citer Emmanuel Ceysson, Marie-Pierre Langlamet, Anneleen Lenaerts…
Quelles musiques aimez-vous écouter ?
Exclusivement de la musique classique. Beaucoup de disques de harpe, ce qui m’aide pour travailler l’interprétation. Mais aussi les concertos pour piano de Rachmaninov, Chostakovitch, des quatuors à cordes, Le Tombeau de Couperin de Ravel, des concertos pour violon… J’aime aussi aller régulièrement au concert, à Bruxelles ou au Luxembourg, pour écouter de grands solistes.
En dehors de vos activités scolaires et musicales, à quoi aimez-vous consacrer vos loisirs ?
À vrai dire, il ne me reste vraiment plus beaucoup de temps ! Je me donne à fond pour la harpe. Je vais une fois par semaine chez le kinésithérapeute, qui entretient mon dos, car la position que l’on adopte pour jouer de la harpe est asymétrique.
Sinon, j’aime les animaux, j’aime cuisiner, faire des activités créatives, me promener dans la nature (j’aime aller à la mer, par exemple)… Avec mes parents, nous voyageons souvent en Italie, où j’apprécie la richesse culturelle et la gastronomie. Je m’intéresse à l’architecture, un peu moins à la peinture ou à la littérature.
J’aime le cinéma, en particulier les films français, les drames ou les films qui vous tiennent en haleine… Ces dernières années, j’ai beaucoup aimé « Un homme idéal », « Respire », ou « Frantz ».
Avez-vous des frères et sœurs ?
J’ai une sœur qui a fait de la guitare classique et étudie aujourd’hui la médecine à l’ULB. Nous sommes très proches, nous écoutons beaucoup de musique ensemble, mais nous ne jouons pas souvent ensemble, car il n’y a pas vraiment de répertoire pour harpe et guitare, et elle n’a jamais, elle, voulu en faire son métier, donc les écarts de niveau se sont creusés…
Vous n’avez que 16 ans. Vous savez depuis longtemps que vous voulez devenir harpiste professionnelle ?
Depuis l’âge de 12 ans, je pense. Je suis absolument sûre de mon choix. Et si ce choix ne me laisse en effet pas beaucoup de temps pour d’autres choses, je n’ai pas le sentiment d’un sacrifice, car c’est vraiment ma passion. Mais je me réjouis d’avoir 18 ans pour que ma scolarité soit terminée : quand j’aurai cela en moins, je passerai plus de temps en société, j’aime rencontrer des gens.
Que représente la Classic Academy pour vous ?
C’est l’aboutissement de beaucoup de travail, mais aussi un immense bonheur d’avoir la possibilité de jouer pour la première fois en concert avec un orchestre. Je m’en réjouis énormément.
Propos recueillis par Séverine Meers