Lionel Bringuier : L'interview

Votre parcours est marqué par la précocité : vous entrez à 13 ans au CNSMD (Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse) de Paris, commencez à diriger à 14 ans, en sortez diplômé à 18 ans, remportez le Concours de Besançon à 19 ans (en 2005) et êtes nommé chef assistant d’Esa-Pekka Salonen à l’Orchestre Philharmonique de Los Angeles à 21 ans, devenant ainsi le plus jeune chef à ce poste. 

Mon expérience à Los Angeles a été une période extraordinaire. De 2007 à 2009, j’étais chef assistant d’Esa-Pekka Salonen ; j’ai ensuite été chef associé (2009-2011), puis chef résident de 2011 à 2013. L’Orchestre de Los Angeles cultive cette tradition de confier les responsabilités de manière évolutive aux jeunes chefs. J’ai pu diriger de plus en plus de concerts et vivre l’arrivée de Gustavo Dudamel. Découvrir les USA, avoir l’opportunité d’y diriger de grands orchestres a été fondateur d’une relation encore très riche aujourd’hui. 
 

Que retirez-vous déjà de ces différentes expériences ?

La conscience que rien n’est acquis, surtout vis-à-vis de la partition et du compositeur : il faut continuer à approfondir le travail et à se remettre en question, même dans des œuvres que l’on a déjà beaucoup dirigées. J’ai aussi appris quelque chose d’important en dirigeant à travers le monde ; on dit beaucoup : « le chef dirige » mais surtout : « le chef s’adapte » ! Il s’agit notamment de s’adapter à la scène et aux conditions du concert ; c’est une expérience fréquente pour les musiciens de l’OPRL et j’ai déjà pu constater qu’ils le font merveilleusement. Et cela implique de connaitre la partition dans les moindres détails, d’avoir l’interprétation bien ancrée en soi.
 

Après plusieurs années sans poste de Directeur musical, qu’est-ce qui vous a amené à cette nomination à Liège ?

Les planètes se sont alignées ! Ma rencontre avec l’OPRL a eu lieu en 2021, et de fil en aiguille, son aboutissement à cette nomination pour 2025 est vraiment ce dont je rêvais, au bon moment, y compris sur le plan personnel. J’en suis vraiment très heureux. Mon objectif est de penser à l’orchestre sur le long terme, et il y a déjà tant d’idées de programmes, de solistes, de discussions en cours dès à présent pour construire les premières saisons ! C’est maintenant que cela se prépare et nous sommes déjà au travail. Je me réveille en pensant à Liège et je me couche en pensant à Liège ! 

Vous avez tissé des liens avec de nombreux solistes de premier plan. Vont-ils être invités à l’OPRL ?

Oui, absolument et passionnément ! Des liens d’amitié se sont noués avec beaucoup d’entre eux, et certains ont d’ailleurs déjà de très bonnes relations avec l’OPRL. Si je peux faire découvrir l’OPRL et la Salle Philharmonique de Liège à ceux qui ne les connaissent pas encore, ce sera une immense joie. Je suis aussi toujours heureux de faire connaissance avec de nouveaux solistes. Ce sera la « grande famille de l’OPRL ».

Ma première venue à l’OPRL en 2021 a confirmé immédiatement la réputation qui le précédait, notamment ses affinités avec le répertoire de style français, les musiques des ballets russes, Stravinsky, Ravel, Debussy entre autres... J’ai été subjugué par les qualités des musiciens et leur excellente préparation

Quels sont vos répertoires de prédilection ? 

J’ai toujours été encouragé à ne pas me focaliser sur un seul répertoire, notamment par mon professeur de direction : si l’on souhaite un jour devenir directeur musical d’un orchestre, il faut être capable d’aborder tous les répertoires. Je passe du classique au contemporain, j’aborde les créations avec grand plaisir. Tout le répertoire du XXe siècle me passionne, de la Scandinavie à l’Espagne en passant par l’Italie, l’Autriche, la Hongrie, l’Angleterre... Le public peut compter sur des choix éclectiques et aura aussi l’occasion d’entendre les grands concertos et les grandes symphonies !

Mais bien sûr, il y a des affinités personnelles, et c’est là où la rencontre avec l’OPRL prend tout son sens. J’avais réfléchi, durant la pandémie, au type d’orchestre avec lequel je souhaiterais développer une relation. Ma première venue à l’OPRL en 2021 a confirmé immédiatement la réputation qui le précédait, notamment ses affinités avec le répertoire de style français, les musiques des ballets russes, Stravinsky, Ravel, Debussy entre autres. En dirigeant Poulenc et Roussel, même dans les conditions difficiles de distanciation et en l’absence de public, j’ai été subjugué par les qualités des musiciens et leur excellente préparation.  

Nous avons également pu jouer le grand répertoire avec Mendelssohn et Brahms, et j’ai senti que l’orchestre aime aussi le travail sur la sonorité, la confrontation avec des rythmiques complexes (Petrouchka de Stravinsky) ; ajoutez à cela la virtuosité de tous les solistes (mise en valeur notamment dans Shéhérazade en octobre dernier)… J’ai apprécié chacun de ces moments et je me sens « à la maison » après seulement trois semaines de travail ensemble. 

Nous devons continuer à développer cette renommée, aller vers l’excellence et montrer à tous les publics que l’orchestre est reconnu de Liège jusqu’à l’international, notamment par les tournées et les enregistrements.

Quelle image aviez-vous de l’OPRL avant d’y être invité ?

Il a une excellente réputation ; je savais qu’il avait été dirigé par de très grands chefs et qu’il avait une remarquable discographie. Nous devons continuer à développer cette renommée, aller vers l’excellence et montrer à tous les publics que l’orchestre est reconnu de Liège jusqu’à l’international, notamment par les tournées et les enregistrements. À cet égard, l’arrivée d’Aline Sam-Giao pour poursuivre le travail de Daniel Weissmann est à souligner. J’ai pu percevoir à Lyon combien elle veille à l’accueil chaleureux des solistes et des chefs, et c’est aussi très important pour l’image d’un orchestre. 

L’OPRL est souvent reconnu pour sa créativité, ses formules originales, sa recherche d’ouverture à tous les publics. Est-ce que cela fait aussi partie de votre ADN ?

Absolument ! J’ai grandi curieux de tous les types de musiques. La recherche de nouveaux formats poursuit un vrai objectif, que nous partageons avec l’OPRL et Aline Sam-Giao : elle répond à l’envie de transmettre le plus largement possible notre passion, de continuer à choyer le public actuel et de faire venir ceux qui n’ont encore jamais écouté un orchestre symphonique. J’adore assister à l’émerveillement des personnes qui viennent pour la première fois. J’aime aussi qu’on se libère de certaines idées reçues : les plus jeunes sont souvent plus attirés par les percussions de Varèse ou un Sacre du printemps que par Beethoven.  

N’oublions pas le jeune public : j’ai déjà dirigé deux « Dimanches en famille » avec l’OPRL, et la joie des musiciens était palpable, ils ont tout donné parce qu’il y avait aussi leurs familles dans la salle. À Los Angeles, ce sont les concerts que je dirigeais prioritairement. Je suis papa de deux enfants et je me mets à leur place ! Enfin, au-delà des formats de concert, nous devons aussi les toucher par le streaming, l’audio, la vidéo, les réseaux sociaux.

La recherche de nouveaux formats poursuit un vrai objectif, que nous partageons avec l’OPRL et Aline Sam-Giao : elle répond à l’envie de transmettre le plus largement possible notre passion, de continuer à choyer le public actuel et de faire venir ceux qui n’ont encore jamais écouté un orchestre symphonique.

La musique est une affaire de famille chez les Bringuier. Est-ce qu’elle imprègne votre vie privée ?

Au quotidien, oui ! Je suis très proche de ma famille et c’est important pour moi de rester en Europe, près d’elle. Mes parents ne sont pas musiciens mais adorent la musique ; c’est ma sœur aînée qui, dès la maternelle, a été séduite par une démonstration de piano. Les petits ont suivi la grande. Mon frère Nicolas est pianiste ; quant à moi, comme les grands faisaient tous de la musique, j’ai voulu faire comme eux et j’ai choisi le violoncelle (et le piano), qui m’attirait pour l’avoir entendu à la radio et découvert dans un livre.  Vous verrez sûrement mes parents ou frères et sœurs à Liège, ainsi que ma fiancée. Elle n’est pas musicienne, mais elle adore écouter et découvrir.  

Qu’est-ce qui vous plaît à Liège ? 

On y croise énormément d’artistes francophones, des comédiens, des acteurs… J’aime aussi son centre piéton, ses librairies, la possibilité de marcher le long de l’eau (venant de Nice !). Et puis évidemment, la Salle Philharmonique est d’une grande beauté, de celles qui vous inspirent, pas seulement au concert mais dès la première répétition. La salle et l’orchestre sont intimement liés, elle est comme « l’instrument des musiciens » au quotidien, pour créer une sonorité avec lui. C’est un outil extraordinaire.

Propos recueillis par Séverine Meers.


 

La news de sa nomination        La bio de Lionel Bringuier