Rencontre avec Nico De Marchi
À la source du nouveau concerto pour cor de Gwenaël Mario Grisi, le cor solo de l'OPRL explique la genèse de l’œuvre. Création le samedi 2 février à la Salle Philharmonique, au Festival Storytelling.
Comment est né ce projet de commande d’un concerto pour cor à Gwenaël Mario Grisi ?
D’un véritable coup de cœur ! Nous avons joué avec l’OPRL, en juin 2016, deux mouvements de son Concerto pour percussions « Excursions ». J’ai trouvé la partition d’orchestre très bien écrite, en particulier pour le cor. C’est de cette émotion musicale que tout est parti. J’ai eu l’occasion de rencontrer Gwenaël et de lui parler de cette idée. Dans sa musique d’orchestre, les parties de cor étaient difficiles, mais son travail sur les couleurs de l’instrument était très intéressant, cela me parlait. Dans la musique d’aujourd’hui, j’ai rarement eu cette sensation que le compositeur allait chercher ce qu’il y a de plus beau dans l’instrument. Pour lui passer commande, il fallait bien sûr trouver des moyens ; je suis donc allé voir Daniel Weissmann, et très peu de temps après, il me recontactait avec l’idée formidable d’offrir une résidence à Gwenaël, dans laquelle s’inscrirait cette création du concerto Adventures. Ce sera la première fois que je crée un concerto pour cor. J’en suis très ému, c’est une occasion rare.
Comment s’est passée votre collaboration ?
Avant de commencer sa composition, Gwenaël m’a demandé quelles musiques j’aimais écouter, quel était mon concerto pour cor préféré… Je lui ai fait part de l’admiration que je portais à la Sérénade pour cor, ténor et orchestre à cordes de Benjamin Britten et du Concerto pour cor n° 2 de Richard Strauss, dont l’orchestration m’a toujours fasciné ; malgré un effectif relativement réduit, cela sonne avec une ampleur tout à fait bluffante. Ensuite, pour travailler ensemble, nous avons échangé par email sur des questions d’articulation et de phrasé sur la base des partitions et des fichiers sonores qu’il m’envoyait. Gwenaël est un magnifique orchestrateur. Il sait exactement ce qu’il veut, comment jouer avec les sonorités et les mélanges de timbres.
Vous êtes-vous également rencontrés ?
Oui, après les échanges par email, nous nous sommes rencontrés pour finaliser les dernières questions d’interprétation. J’ai pu lui jouer toute sa pièce. Nous avons discuté d’articulations, de tessiture, de choix de sourdines, d’interprétation… C’était pour moi une réelle chance de me trouver en face du compositeur et de profiter de son éclairage enrichissant.
Votre expérience de musicien d’orchestre apporte-t-elle un plus dans ce travail ?
Peut-être bien. Gwenaël m’a par exemple, envoyé la directrice [la partition d’orchestre, NdlR] en me demandant d’en regarder les lignes de cor pour suggérer d’éventuels ajustements.
Comment définiriez-vous les qualités de son écriture pour le cor dans ce concerto Adventures ?
Chaque instrument a un timbre, une âme, une spécificité. Un registre, aussi : une tessiture qui met ses qualités en évidence. Gwenaël a naturellement le souci d’exploiter cela, et il le fait parfois de manière complexe, techniquement exigeante, mais toujours pour que cela sonne le mieux possible. Adventures est composé en quatre mouvements. Après le mouvement court Introduction suit le 2e mouvement, intitulé Romantically Epic, avec ses phrases et envolées héroïques. Le 3e mouvement est un Scherzo avec son thème et ses nombreuses variations et contrechants, et l’on conclut avec un dernier mouvement Finale, nerveux et énergique !
Utilise-t-il des techniques particulières pour faire sonner l’instrument ?
De par sa culture de compositeur de musiques de films, il emploie de grandes phrases lyriques, qu’il exploite à merveille dans toutes les couleurs, tessitures et nuances possibles. Là où il innove vraiment pour mon instrument, c’est dans les passages très rapides. Il demande une technique qui au départ ne me semblait pas toujours très « cornistique ». Il m’a fallu comprendre, travailler et retravailler, pour parvenir à jouer à la vitesse demandée ! Gwenaël a fait évoluer ma technique en me faisant découvrir son univers musical…
Utilise-t-il des effets de timbres nouveaux, inattendus ?
Mis à part l’utilisation brève d’une sourdine sèche et d’une sourdine bouchée, il n’abuse pas des effets qui modifieraient trop la sonorité de l’instrument. L’emploi de la sourdine est pensé dans le cadre de l’orchestration, d’un changement qui fasse sens pour la sonorité générale de l’orchestre.
Est-ce que c’est une œuvre difficile ?
Gwenaël connait très bien toutes les facettes et possibilités de l’instrument. Son écriture est exigeante techniquement et physiquement, mais tellement gratifiante à jouer.
En dehors de votre carrière à l’OPRL, êtes-vous particulièrement actif dans l’interprétation de la musique d’aujourd’hui ?
Oui, je joue dans diverses formations, principalement en Flandre. Mais c’est un investissement technique et physique très important et il ne faut pas non plus dépasser ses limites, surtout si on est cor solo dans un grand orchestre symphonique. C’est bien évidemment un devoir de jouer la musique de notre temps. Philippe Boesmans a raison quand il dit que la musique qui n’est pas jouée n’existe pas. Le contexte de cette résidence de Gwenaël Mario Grisi est une grande chance, car on a la possibilité de travailler dans le respect et l’enrichissement mutuels.
Qu’est-ce que cela représente pour vous de jouer en soliste avec votre orchestre ?
C’est un plaisir de jouer avec mes collègues talentueux tous les jours à l’orchestre et un privilège de pouvoir compter sur tant de générosité et bienveillance dans le rôle du soliste. Je ne sais pas si c’est le cas dans tous les orchestres, mais en tout cas, c’est comme cela à l’OPRL…
Propos recueillis par Séverine Meers
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