Christian Schmitt : « J’ai conçu ce récital comme un parcours à travers la musique allemande pour orgue de Bach à nos jours. »
Organiste principal de l’Orchestre Symphonique de Bamberg, Christian Schmitt nous parle de sa carrière et détaille le contenu de son programme du dimanche 25 février, à 16 heures.
D’où venez-vous en Allemagne et comment êtes-vous venu à l’orgue ?
Je suis né dans un petit village de la Sarre, le plus petit Land allemand, réputé notamment pour les activités de la faïencerie Villeroy et Boch. Mes parents vivent à 8 km des frontières française et luxembourgeoise. Mon village natal comporte une harmonie formée par de nombreux instrumentistes à vent. J’ai d’abord étudié la trompette à l’âge de sept ans, mais il y avait aussi plusieurs églises à proximité et je me suis rapidement intéressé aux orgues de ces églises. J’ai commencé à en jouer à 11 ans, et à 13 ans, j’avais déjà mon premier poste d’organiste (rire). Par la suite, j’ai aussi étudié le piano, mais j’ai travaillé très tôt à l’orgue avec des chœurs, des chanteurs, jouant des messes, des mariages, etc. Cette activité d’organiste fait partie de mon enfance.
Quels ont été vos professeurs ?
J’ai d’abord étudié six ans à Sarrebruck avec le pianiste, organiste et chef d’orchestre Leo Krämer, pour obtenir le diplôme de « Kantor », ce qui correspond à une formation complète de musicien d’église (direction d’orchestre et de chœur, orgue, improvisation). Parallèlement, j’avais été lauréat des concours internationaux de Spire et Wiesbaden à 20 et 22 ans, ce qui me permettait déjà d’envisager une carrière de concertiste. J’ai ensuite approfondi ma formation durant deux ans à Boston auprès de James David Christie, puis à Francfort et à Paris avec Daniel Roth, titulaire du grand de Saint-Sulpice à Paris. À présent, j’enseigne moi-même à Rotterdam, où j’ai succédé à Ben Van Oosten.
Quels sont les orgues qui vous ont le plus marqué ?
J’ai joué sur de nombreux instruments à travers le monde, tant dans des lieux de culte que dans des salles de concert. Ceux qui m’ont fait la plus forte impression sont les orgues historiques. Quand on joue des instruments d’Arp Schnitger (1648-1719) ou de Gottfried Silbermann (1683-1753), ces instruments vous enseignent comment jouer la musique baroque. De la même manière, si vous jouez la musique romantique française, il est absolument nécessaire de connaître les instruments de Cavaillé-Coll et le style de ses instruments. Pour la musique romantique allemande, il est aussi très important d’avoir une connaissance de la richesse et des couleurs et dynamiques propres aux instruments de l’époque. Tout ce bagage historique vous permet, lorsque vous jouez sur des instruments modernes, comme ceux qu’on rencontre le plus souvent dans les salles de concert, de faire des choix de registration et d’interprétation adéquats.
Quelle est votre fonction à l’Orchestre Symphonique de Bamberg, en Bavière ?
L’Orchestre Symphonique de Bamberg jouit d’une grande réputation en Allemagne et en Europe. Sa salle dispose d’un grand orgue de quatre claviers, de 1993, aux nombreuses possibilités. Chaque saison, nous accueillons un organiste de la jeune génération et deux organistes de rang international. S’y ajoutent un concert dans lequel je joue avec des musiciens de l’Orchestre. Et bien sûr, j’ai aussi l’occasion de jouer au sein de l’Orchestre, dans des œuvres comme la Passion selon saint Jean de Bach, le Requiem de Fauré, la Symphonie alpestre de Richard Strauss, la Messe glagolitique de Janáček… Tous les deux ans, je joue également en soliste avec de grands chefs comme Christoph Eschenbach, Jacob Hrůša, Giovanni Antonini (Concerto pour orgue de Haydn), Thomas Dausgaard, Herbert Blomstedt… J’ai vraiment la possibilité de jouer dans des configurations très variées.
À Liège, votre programme est essentiellement consacré à la musique germanique…
Je l’ai conçu comme un parcours à travers la musique allemande pour orgue de Bach à nos jours. Durant le Covid, j’ai enregistré l’intégrale de l’œuvre pour orgue de Mendelssohn, notamment la magnifique Quatrième Sonate, une véritable « symphonie pour orgue » en quatre mouvements, qui ouvrira le concert. Puis nous aurons la création belge d’une œuvre assez spectaculaire pour le pédalier seul, d’un jeune compositeur et organiste berlinois, Maximilian Schnaus, et – évidemment – une grande œuvre de Bach, le Prélude et la triple fugue en mi bémol majeur. Le choral de Bach Aus tiefer Not, revu par Liszt, et Trivium du compositeur estonien Arvo Pärt offriront un moment de « zénitude » avant la monumentale Sonate de Julius Reubke.
Qu’est-ce qui rend la Sonate de Reubke si particulière ?
C’est l’œuvre d’un tout jeune compositeur, élève de Liszt, au talent exceptionnel, mais qui meurt de la tuberculose à 24 ans seulement. Écrite sur le texte du Psaume 94, cette Sonate s’inspire de la Fantaisie et fugue sur « Ad nos » de Liszt. C’est une œuvre d’une profondeur exceptionnelle, qui passe par tous les états d’âme romantiques. Traversée d’un souffle épique, elle chemine des plus sombres angoisses aux ébullitions les plus héroïques.