François Menou : « J’aimerais prendre le public par la main et lui montrer la Salle sous un autre jour ! »
Ingénieux sculpteur de la lumière sur les plus grandes scènes, le Français François Menou explore le samedi 5 novembre, à 20 heures, le thème de la nuit avec l’OPRL.
Comment devient-on créateur lumière ?
Tous les créateurs lumière ont un peu leur propre parcours. Dans mon cas, c’est une passion qui remonte à l’enfance. Mon père, enseignant passionné de théâtre, avait l’habitude de nous emmener, mes frères et moi, au spectacle à Angoulême (dans le Sud-Ouest de la France). C’était un monde qui me fascinait, tout comme celui des fêtes foraines et des illuminations de Noël. Je me souviens de la joie que j’avais, gamin, en voyant comment une simple guirlande pouvait métamorphoser l’ambiance de toute une rue. J’ai su très tôt que je voulais travailler dans ce domaine, mais j’ai d’abord évolué en autodidacte. J’achetais mes propres projecteurs avec mon argent de poche. Avec mes frères et mes amis, on imaginait des petits spectacles. Bon, c’était d’un kitsch absolu… mais c’était un bon début (rire). Mes parents m’ont inscrit au Lycée de l’Image et du Son d’Angoulême (LISA), puis j’ai obtenu un Diplôme des Métiers d’art en lumière au Lycée Gabriel Guist’hau de Nantes.
Comment avez-vous pris vos marques ?
Au début, j’ai eu l’occasion de travailler dans l’événementiel mais je me suis vite rendu compte que ce domaine n’était pas fait pour moi et que j’allais m’ennuyer. J’avais besoin de plus de créativité et le monde du théâtre, de la danse et de l’opéra correspondait beaucoup plus à mes goûts. J’ai eu la chance de travailler aux côtés de personnalités comme Dominique Bruguière (qui collaborait avec les metteurs en scène Patrice Chéreau et Luc Bondy), le chorégraphe Thierry Malandain et la metteuse en scène Macha Makeïeff. Ils ont tous été des coachs ou des maîtres pour moi.
À Liège, vous serez seul maître à bord, sans metteur en scène. Est-ce plus facile ?
Ce n’est pas plus facile, c’est différent, en ce sens que pour ce projet, il y a un vrai travail de création au départ des musiques de Schoenberg (La Nuit transfigurée) et de Richard Strauss (Métamorphoses), de l’émotion et des images qu’elles suscitent en moi… Tout mon travail consiste à définir et à mettre en place les moyens de les communiquer au public.
Comment envisagez-vous votre travail sur ces œuvres pour cordes ?
Je connaissais déjà La Nuit transfigurée par le spectacle de la chorégraphe belge Anna Teresa De Keersmaeker. C’est une musique riche en ruptures, à l’opposé des Métamorphoses de Strauss (que j’ai découvertes pour ce spectacle et qui sont magnifiques mais qui n’offrent aucun répit). C’est une musique tout en tension, qui va d’un point A à un point B, sans dévier de sa trajectoire. Il faut donc les traiter différemment. Déjà, leurs titres résonnent en nous, ils nous invitent au voyage. Au départ, c’est le chef Julien Leroy qui a proposé à l’OPRL de faire appel à moi. J’avais déjà collaboré avec lui pour divers projets, dont le vidéo-opéra An Index of Metals du compositeur italien Fausto Romitelli, donné à Paris avec l’Ensemble Lucilin. J’aime bien ce challenge de travailler au départ de la musique, dans une salle chargée d’histoire. La Salle Philharmonique de Liège est une très belle salle, mais avec une décoration très « présente », chargée… J’aimerais prendre le public par la main et lui montrer la Salle sous un autre jour, dans un cadre moins habituel et plus théâtral !
Quelle est votre actualité ?
En ce moment (mai 2022), je suis à la Comédie-Française, pour Le Mariage forcé de Molière, dans une mise en scène de Louis Arène. En juin, je travaille à la Philharmonie de Luxembourg sur Les Voyages de Don Quichotte, dans une mise en scène de Romain Gilbert, puis au Capitole de Toulouse pour la mise en lumière de Daphnis et Chloé de Ravel, dans une chorégraphie de Thierry Malandain. À l’automne, je collaborerai au seul en scène Il n’y a pas de Ajar, un « Monologue » contre l’Identité, de Delphine Horvilleur, femme rabbin, coproduit par plusieurs théâtres de la région parisienne et de Normandie, sur l’histoire de Romain Gary, qui signa des romans sous le nom d’Émile Ajar.
Propos recueillis par Éric Mairlot.