Chez Gergely : Bruckner 7, un hommage sublime à Wagner
Les samedi 28 à Liège et dimanche 29 janvier, à Ostende, Gergely Madaras révèle les sonorités grandioses de la Septième Symphonie de Bruckner, inspirée notamment par la disparition de Richard Wagner.
Le compositeur autrichien Anton Bruckner (1824-1896) est un paradoxe à lui seul. Homme gauche et rondouillard, naïf, timide, peu charismatique et profondément dévot, il est pourtant le créateur de cathédrales symphoniques vastes et tourmentées, époque romantique oblige, de messes d’une intensité prodigieuse, qui comptent parmi les créations les plus innovantes que l’histoire de la musique ait produites depuis Beethoven et dans la lignée de celui-ci.
Entre 1863 et 1896, Bruckner livre 11 Symphonies, souvent remaniées en raison de l’insatisfaction et du perfectionnisme de leur auteur. À la différence des Symphonies de Mahler, plus narratives et contrastées, celles du pieux créateur forment un ensemble plus uniforme, dépourvu de tout contenu narratif (exception faite de la Quatrième Symphonie).
On décèle chez Bruckner de véritables constantes dans sa façon de composer. Il aime opposer les familles instrumentales et confronter le bloc des cordes à celui des cuivres (les bois jouent un rôle plus intermédiaire dans son œuvre). Il écrit aussi par couches sonores, autrement dit, il étage les familles d’instruments par strates distinctes, selon le procédé de la « registration » issu de l’orgue (l’instrument de prédilection du compositeur, pour lequel il n’a pourtant presque rien composé). À la même époque, le Liégeois César Franck, lui-même organiste, orchestre lui aussi par strates sa Symphonie en ré.
Bruckner a aussi un goût prononcé pour les contrastes dynamiques, il excelle dans les montées en puissance, ses crescendos tumultueux tiennent en haleine même s’ils sont aussitôt suivis de longs silences abrupts qui plongent l’auditeur dans de profonds abîmes. Le compositeur entretient aussi un rapport au temps très particulier : ses mouvements s’étirent, leur forme paraît dilatée à l’extrême : c’est ainsi que Bruckner le mystique part en quête de l’éternité.
Toutes ces caractéristiques traversent la Septième Symphonie (1883), la plus solaire de toutes. La partition témoigne aussi des sentiments de quasi-idolâtrie que professait Bruckner à l’égard de Richard Wagner, avec un même sens de l’emphase, la même recherche de thèmes amples et majestueux. On a d’ailleurs reproché au premier d’être un émule du second. Il est vrai que Bruckner se montre en quête continue de la reconnaissance de Wagner, lui dédiant même sa Troisième Symphonie, ce dont l’auteur de la Tétralogie n’eut visiblement que faire…
Lorsqu’il apprend la mort de son idole, Bruckner bouleversé par la nouvelle, imagine l’Adagio de sa Septième comme une ample marche funèbre à sa mémoire (l’œuvre est toutefois dédiée au roi Louis II de Bavière, le grand mécène de Wagner). Pour soutenir le côté méditatif du mouvement, Bruckner introduit un quatuor de Wagnertuben (ou tubas wagnériens), un instrument apparenté en réalité à la famille des cors et conçu par Adolphe Sax pour la première de la Tétralogie, en 1876. C’est la première fois que cet instrument est utilisé dans le répertoire symphonique. Cet Adagio est aussi le seul mouvement d’une symphonie brucknérienne dont on a donné des exécutions isolées (il fut d’ailleurs interprété aux funérailles de Bruckner, en 1896). Durant la première moitié du XXe siècle, cette page sublime s’est même imposée mondialement dans les cérémonies funèbres officielles, détrônant celles de Beethoven et de Chopin.
Les trois autres mouvements, superbement bâtis, robustes, imposants, d’une infatigable énergie, sont aussi les plus lumineux écrits par Bruckner. Ils ont contribué au succès immédiat de l’œuvre. C’est d’ailleurs avec cette Septième Symphonie, que Bruckner, à l’approche de la soixantaine, connaît une gloire tardive. Et une reconnaissance tant attendue…
L'œuvre est au programme de l’OPRL et Gergely Madaras, le samedi 28 janvier, à 16 heures à Liège, le dimanche 29, à 17 heures, à Ostende (en complément, à Ostende uniquement, le Concerto pour violon de Glazounov sous l’archet de notre concertmeister Alberto Menchen).