L’interview de Juliette Gauthier

Juliette Gauthier Classic Academy

En concert le 23 juin avec l’OPRL dans le cadre de la Fête de la musique, la jeune harpiste belge parle de son parcours et de son choix de concerto.

 

Comment présenteriez-vous votre parcours en résumé ?

Quand j’avais 5 ans, ma maman, qui est violoniste, a organisé un concert de Noël dans lequel intervenait une harpe. Je suis tout de suite tombée amoureuse de cet instrument. En première primaire, mes parents m’ont proposé de pratiquer un loisir, et j’ai immédiatement repensé à la harpe. Je suis entrée dans la classe d’Ingrid Procureur, à l’Académie de musique de Mons, et j’y suis restée neuf ans. De 15 à 18 ans, j’ai poursuivi mes études en filière « Jeunes talents » au Conservatoire Royal de Mons (Arts²) avec Ingrid Procureur, puis à l’IMEP (Namur) avec Sophie Hallynck. J’ai ensuite accompli un Bachelor à l’IMEP. Depuis septembre 2022, je suis inscrite au Conservatoire Supérieur de Paris tout en terminant un Master spécialisé en harpe et musique de chambre à l’IMEP.

Que vous a apporté la Classic Academy ?

Cela m’a permis de me rendre compte que j’aime énormément le métier de concertiste. C’est une expérience très agréable qui me semble toute naturelle. Lorsque vous apprenez un concerto, vous le faites en écoutant plusieurs versions au disque, vous pouvez être accompagné ensuite par un pianiste qui interprète les parties symphoniques. Mais répéter directement avec tout un orchestre, c’est mieux et cela ajoute une dimension supplémentaire. Nous sommes portés par un ensemble de musiciens (sans devoir tout faire soi-même) et pouvons avoir un réel partage. C’est très agréable.

Comment votre carrière a-t-elle évolué depuis que vous avez remporté la Classic Academy 2023 ?

J’ai eu l’occasion depuis l’an dernier de jouer 8 fois avec des orchestres. C’étaient essentiellement des formations belges dont l’orchestre de l’IMEP. J’ai aussi eu la chance de jouer avec l'OPRL, dans l’orchestre cette fois-ci, et de me produire également en solo. En décembre, j’ai donné un concert de musique de chambre avec des instrumentistes de l’Orchestre Royal de Chambre de Wallonie.

Pourquoi avoir choisi le Concerto pour harpe de Jongen et quelles sont les qualités de l’œuvre ?

Pour plusieurs raisons : parce qu’il est Liégeois, parce que nous sommes en pleine année Jongen (le 150e anniversaire de sa naissance), parce que c’est un excellent compositeur qui a écrit de la musique orchestrale ou de chambre d’une très grande qualité. Son Concerto pour harpe est peu connu et il me tenait à cœur de le faire découvrir. J’ai pu constater qu’en France aucun de mes collègues harpistes ne connaissait l’œuvre. Elle est très rarement donnée ou enregistrée (il n’existe que deux enregistrements dont un avec l’OPRL et Mireille Flour sous la direction de Fernand Quinet). Dans un avenir proche, j’aimerais aussi pouvoir interpréter le Concerto pour harpe de Carl Reinecke, là encore une pièce qui mérite amplement de sortir de l’oubli. 

Peut-parler selon vous d’une école belge de la harpe ?

On peut parler d’une véritable école belge dans la mesure où nous avons la chance d’avoir plusieurs compositeurs du XIXe siècle qui ont donné à l’instrument et à la littérature pour harpe leurs lettres de noblesse. Parmi ces personnalités, François-Joseph Dizi d’abord, né à Namur et, qui a marqué son époque grâce à ses 48 études de haut niveau pour la harpe qui font partie du répertoire de la plupart des harpistes. Il y a Félix Godefroid ensuite, surnommé le Paganini de la harpe, virtuose qui s’est produit dans toute l’Europe dans ses propres compositions. Il a contribué à la découverte de la harpe à pédales à double mouvement (mise au point par Sébastien Érard) qu’il fait connaître à toute l’Europe. Et enfin Alphonse Hasselmans, un Liégeois qui devint professeur de harpe au Conservatoire de Paris, un admirable pédagogue qui forma de très grands musiciens à commencer par Carlos Salzedo ou Lily Laskine. Son étude de concert La Source est un tube du répertoire pour harpe. 

Quels sont vos prochains projets en dehors de la musique ?

J’aime beaucoup bouger, nager et courir de sorte que j’ai prévu de participer, en mars 2024, au semi-marathon de Paris. L’été prochain, mon compagnon et moi envisageons de traverser à pied les Alpes en un mois. Nous partirons de la Suisse pour rejoindre la Méditerranée, du côté français, en randonnée pédestre.

Vous adorez la littérature et Proust en particulier. Que lisez-vous pour le moment et comment s’opèrent vos choix ?

Je suis en plein dans Les Misérables de Victor Hugo qui vont m’occuper un certain temps. Je lis en général tout ce qui me tombe sous la main. Je vais souvent dans les librairies de seconde main et j’achète un peu au petit bonheur la chance. Chez moi, j’ai des piles de livres mais pas de plan de lecture déterminé ; je prends un bouquin, peu importe ce que c’est et je me lance dans l’aventure... 

À 21 ans, ressentez-vous le besoin de transmettre votre expérience de harpiste et d’enseigner ?

Je suis passionnée par la transmission qui occupe une place importante pour moi. J’ai tellement reçu depuis que je suis petite, j’ai tellement appris de personnes passionnées qui m’ont donné leur énergie pour m’aider à me développer que j’ai, à mon tour, l’envie d’aider des jeunes à découvrir la harpe et la musique. J’ai d’ailleurs commencé à donner des cours à l’âge de 16 ans, mais il m’a fallu interrompre mes leçons le jour où je suis partie en France. Je sais néanmoins que je reprendrai l’enseignement plus tard.

Propos recueillis par Stéphane Dado 

 

La page du concert Fête de la Musique (23/6)

Ouverture des réservations (gratuite) le 23 mai, à 13 heures